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Histoire Complète

Ce qui suit est l’histoire de la Grange, telle qu’elle fût racontée par RAJ Phillips, qui a empêché la destruction de cette maison en rondins et l’a reconstruite sur sa propriété aux abords de la rivière Gatineau. Bob Phillips (1922-2003) était écrivain et historien et, suivant les pas de sa femme Mary Anne (1923-1990), a instauré dans cette grange un amour de la culture et l’esprit de beaucoup d’amis et de visiteurs qui ont apporté tant d’idées et d’amour.

Beaucoup de statistiques émises sur la Grange nous impressionnent: celle qui saute aux yeux montre que c’était sûrement la plus grande reconstruction d’un bâtiment de bois rond faite à travers tout le Canada. Ceux qui étaient directement liés au projet comprendront. La future Grange avait déjà reçu sa peine de mort par une compagnie d’assurances, car elle se situait trop près d’un bâtiment de majordome qui abritait Tamarack Acres Antiquités. C’est le 1er Juillet 1974, à l’aide d’un étudiant et d’une grande respiration que tout commença. D’abord, il fallait pelleter des tonnes de foin calcifié du sol qui était couvert d’un plancher mal cloué et très glissant. (“Bob, où est-tu?”) Il a fallu encore des jours pour défaire toutes les connections et installations, pour enlever tous les étalages, les étagères, les placards et les autres objets qui avaient été accumulés depuis un siècle et demi. Et puis le toit – des plaques d’aluminium volaient dans le ciel et parfois revenaient à toute vitesse d’une façon brutale, des millions de bardeaux en cèdre, du papier goudronné sur les bardeaux Chacun des toits à pignon devaient être ouvert, les portes et fenêtres enlevés. Enfin, tout l’intérieur devait être nettoyé. Tout devait être classé pour voir ce qu’il fallait garder et ce qu’il fallait jeter. Les montagnes de foin et de déchets grandissaient à toute allure, et tout devait être mis assez loin pour permettre aux camions de rentrer. Il y avait des millions de clous rouillés à enlever de cette ancienne grange.

Rassembler une collection de camions représentait l’un des défis les plus durs. Notre réseau local nous a permis d’avoir un véhicule inestimable qui, pendant les jours de travail, hissa les tonnes de blocs de béton vers des sites de construction. Nous avons trouvé le moyen d’attacher une ancienne pince glace sur le palan, et c’est par ce dispositif que nous avons enlevé chaque rondin de son mur ou du toit pour le placer soigneusement sur le camion. Lors de l’enlèvement du dernier rondin, le système est mort, victime d’épuisement. C’était une merveilleuse équipe de chauffeurs de camion, des hommes costauds, fascinés par cette idée folle, prêts à risquer tout pour bien terminer ce projet grandiose. Ou… presque tout. Notre pire crise a été lorsqu’un petit serpent tout innocent regarda, endormi, à travers les bûches qui devaient être levés. C’est alors que tout d’un coup tous ces braves hommes ont couru en vitesse vers leurs véhicules, ont fermé les fenêtres, ont verrouillé leurs portes et ont déclaré leur travail terminé jusqu’à ce que l’endroit soit certifié sans serpents.

La Grange d'Origine

Le plus long des camions à plateau du monde porta la charge principale, mais il s’arrêta quand même à une certaine distance de sa destination, c’est-à-dire à l’entrée de la propriété. Peut-être que le camion ne pouvait vraiment pas se diriger dans notre petit chemin, ou peut-être que c’était un samedi en fin d’après-midi et que les hommes avaient depuis longtemps pris leur place dans le bar du coin, le Manoir, pour engloutir des litres de bière. Peu importe, le chauffeur déchargea toutes les bûches sur le chemin principal. Il a fallu attendre jusqu’au samedi après la première tempête de décembre, lorsqu’il y aurait assez de neige pour bien lubrifier les bûches pour qu’elles puissent glisser sur le sol mais pas assez pour qu’elles soient complètement enterrées. Nous étions assez chanceux, mais c’était un samedi pénible car il fallait fouiller dans la neige et ramasser chaque bûche une par une, les mettre dans un petit bulldozer pour ensuite les traîner, une demi-douzaine à la fois, en bas du long chemin jusqu’à la rivière puis après les monter jusqu’au site (le chemin direct du parking à la Grange à cette époque était rempli de buissons et de pierres). Lorsque la dernière bûche fût déposée dans l’obscurité du dimanche soir, la neige commença à s’intensifier et le tas précieux de rondins ne fût touché que 18 mois plus tard.

 

La saison suivante fût longue et pénible. Pour préparer le site, nous avions commandé beaucoup d’équipement de taille féroce, finissant par une mécanique de forage qui n’a peut-être pas fait beaucoup d’impressions dans la pierre, mais qui a beaucoup impressionné les voisins. Quand la décision d’arrêter été prise, cela na pas été car nous avions atteint notre but, mais justement à cause des protestations insurmontables des voisins. Puis nous avons attendu des semaines pour que les dialogues bureaucratiques aient lieu, car il se trouvait que le permis de la maison exigeait avant tout que cette partie du terrain soit approuvée par toutes les autorités en dessous de celle des Nations Unies. Nous avions construit le sauna du Piggery en attendant, et avions réussi à construire les fondations avant la couverture du gel. Suivant certains conseils, ce qui jusqu’à ce jour me paraissait douteux, j’ai rassemblé des montagnes de pages du Ottawa Citizen pour les mettre autour des fondations, de façon à les garder bien au chaud, comme on m’avait assuré que c’était la bonne technique.

 

La troisième saison commença tôt, par la construction normale, alors qu’il fallait finir le sous-sol et installer le sol du rez-de-chaussée. Nous avions basée la constructions sur les plans architecturaux (plans architecturaux de la Grange) réalisés par Napier Simpson de Toronto, certainement l’un des architectes les plus doués du Canada dans la restauration du bois. Il indiqua toutes les chambres, ainsi que les fenêtres et les dimensions. Il n’a visité le site qu’une seule fois lorsque la Grange était en construction; lors de l’achèvement du projet, il devait venir la voir pour l’admirer. Mais seulement quelques semaines plus tôt, il est décédé dans un accident d’avion à Terre Neuve, ce qui a détruit la moitié du conseil des Sites Historiques des Monuments Nationaux.

 

Pendant trois semaines en juin, c’était enfin le moment de la levée de la grange. L’été précédent, nous avions mis une petite étiquette marquée d’un chiffre et une lettre sur environ 700 bûches pour indiquer leur ordre; maintenant nous pouvions retrouver la bûche A-1 par exemple. Malgré ce système, le progrès était lent. Et ce, malgré les dizaines de personnes très aimables et les gentils voisins qui essayèrent à tout prix de trouver de la main d’oeuvre. Lorsque c’était fini, lorsque les dernières fèves au lard et les dernières bières furent consommés, les murs étaient partiellement en place au rez-de-chaussée (de la chambre jusqu’à la cuisine). Pour élever la poutre en chaîne, mesurant 40 pieds de long, jusqu’en haut de la Grande Salle, nous comptions sur notre équipe de cinq personnes. L’échafaudage artisanal, les échelles, même les cordes et les poulies des arbres ont tous contribué, mais c’était vraiment notre foi qui a permis le placement de ces bûches. Avant le mois de septembre, lorsque de nouveau il fallait arrêter pour l’année, tout était prêt pour l’hiver et le mauvais temps, et la chaudière était installée. Bien sûr, nous ne savions pas qu’elle ne marchait pas jusqu’en mi-hiver quand personne ne pouvait accéder pour la réparer.

 

Toujours en travaillant avec des étudiants et d’autres jeunes qui allaient et venaient au fil des années (généralement toujours quatre personnes travaillaient à la fois), nous avions passé la dernière saison à transformer la grange en endroit habitable, dans le vrai sens du terme. Nous avions employé des installateurs de mur sec, des plombiers ainsi que des électriciens, mais tout le reste du travail, tel que la menuiserie, était le notre. Notre date cible d’habitation – La Fête du Travail, 1977 – avait été réalisée, bien qu’il restait encore beaucoup à faire. Nous avions construits nous-même toutes les portes intérieures, faites de pin, parmi lesquelles il n’y en avait pas une qui était vraiment faite pour l’intérieur. Il a été décidé que la première porte faite serait pour la salle de bain des invités. Les autres ont été fait au cours du temps. Les plinthes étaient enfin installées en 1983, et nous avions soigné le lambris de la Grande Salle l’année suivante. Les vérandas ont été construites en 1978, et le conservatoire en 1987.

 

De tels délais n’étaient même pas décevants. Il n’était même pas facile de croire que toute cette folle entreprise avait réellement marché!

 

Très tôt un dimanche matin, le 26 Avril 1992, je sortis de la douche et vis la Grande Salle remplie de fumée. En 10 minutes, les sapeurs-pompiers arrivèrent. La Grange brûla pendant 36 heures. L’incendie a commencé sous l’actuelle porte Nord de la Grande Salle, à cause des écureuils qui mordaient les fils électriques à travers l’isolation, et pendant une heure ou deux le reste de la Grange avait peu ou pas de fumée. Ce qui est tragique c’est que l’équipe de sapeurs-pompiers voulait vite contenir et éteindre le feu avant que le feu ne se propage vers d’autres parties de la maison, et par conséquent ceci a empêché l’accès pour récupérer les collections irremplaçables. On aurait peut-être pu si les sapeurs-pompiers avaient pris le conseil d’un voisin qui les a suppliés de fermer la valve qui mène jusqu’à la cuve de 1000 gallons de fioul. Mais au contraire, des milliers de litres de fioul coulèrent à travers tout le sous-sol et ont mis la grange en flammes.

 

Les deux tiers de la Grande Salle furent épargnés, mais tout l’intérieur et le toit devaient être remplacés. Lorsque le balcon s’effondra jusqu’au sous-sol enflammé, pratiquement tous les objets en argent de la famille et la porcelaine furent détruits. Les contenus de la chambre d’amis la plus éloignée (#9) et du conservatoire pouvaient être restaurés. Beaucoup de matériel dans l’atelier fût sauvé, puis cambriolé dans les ruines. A part ça, pratiquement tout a été détruit. Environ un tiers des livres de la bibliothèque, même si le nom des auteurs avait disparu, étaient toujours lisibles- cependant peu de livres datant du 19ème Siècle et avant étaient déchiffrables.

 

Néanmoins, les fondations en béton et les murs de bûches survécurent avec seulement des dommages superficiels, montrant qu’une construction de bûches est l’une des constructions les plus résistantes aux incendies. Ainsi, la grange a pu être restauré sans de grands changements d’apparence. Mais le prix était considérable…

L'Incendie

Le prix était élevé, financièrement et dans nos coeurs.

 

Alors que les contenus étaient toujours en flammes, Margaret a converti le sous-sol de Buck House pour en faire ma maison et mon bureau temporaire. Le jour de l’incendie, nos amis remplissaient les rues, de nombreux d’entre eux en larmes. Alors que je remontais la colline, les flammes derrière moi, Scott Stevenson (mon partenaire aux journaux) a fait la remarque que j’écrirais le meilleur commentaire de ma vie. J’en doutais.

 

Je devais souvent retourner aux ruines pour des raisons administratives, et j’en détestais chaque pas et chaque minute. Dan le chien, qui généralement m’accompagnait partout, refusait même, pendant des mois, de se promener au-delà du garage de la Grange. Les premiers jours et surtout les premières semaines étaient les pires.


Des ouvriers entreprenèrent le nettoyage d’horribles restes de structures calcinés et d’objets enrobés de couches huileuses parvenant de la chaudière dont la valve n’avait jamais été fermée. Des amis ont généreusement offert leur aide pour trouver les quelques objets précieux que les ouvriers n’auraient pas remarqués. Mélangée parmi les grosses poutres se trouvait une substance gluante composée de morceaux de porcelaine complètement fragmentés et tout à fait irremplaçables; des meubles qui pourraient éventuellement être réparés; des objets de la famille en argent à moitié fondus; des milliers de livres, les deux tiers totalement endommagés par l’incendie et l’eau et la plupart de ceux qui restaient illisibles à cause des reliures trop calcinées; des archives soit dans des boîtes calcinées soit largement éparpillées; des cartes géographiques précieuses datant de plusieurs siècles dont seulement quelques bouts de verre ou des morceaux de cadres restaient; des traces de la collection soigneusement ramassée pendant toute une vie, et parmi tout ça, de temps en temps, un objet miraculeusement préservé.

 

Pendant les deux premières nuits, John Tremeer (l’aîné) resta dans sa voiture près du garage de la Grange pour surveiller la demeure de façon à ce qu’aucun vautour humain n’y entre. Nous étions profondément reconnaissants, mais doutions de la nécessité de ceci… Et pourtant nous avions eu tort. A un moment, des cambrioleurs sont entrés par l’atelier du sous-sol et ont volé tous les outils électriques qu’ils pouvaient trouver en dessous des ruines des étages supérieurs.

 

Les voleurs n’étaient pas les seuls à exploiter cette tragédie. La compagnie d’assurances embaucha immédiatement, à un prix considérable, Lebrun Building Services Limited de Breezehill Avenue à Ottawa, pour enlever les meubles et d’autres objets récupérables afin de les garder en sécurité dans leur entrepôt. Les employés, pourtant, ne prêtaient pas grande attention à ce qu’ils faisaient et n’avaient visiblement pas beaucoup de connaissances portant sur le caractère et la valeur d’antiquités. Les objets trempés par les tuyaux d’incendie, qui auraient vite dû être séchés, étaient empilés sur un sol de béton où ils devinrent bien plus endommagés que dans l’incendie-même, à cause de la moisissure. L’exemple le plus choquant est celui de la Bible familiale, dans laquelle toutes les naissances de la famille Phillips étaient enregistrées à la main depuis 1800. Ce fût héroïquement sauvé du sous-sol, au milieu des grandes flammes, par un pompier de Cantley, avant qu’elle ne soit trop endommagée. Et pourtant, à la garde de Lebrun, la Bible fût presque détruite. Lorsque placée entre les mains d’Herbert Leus, l’éminent restaurateur de documents du Canada (récemment retraité d’Archives Nationales), il a fallu deux ans, une compétence incomparable, et des milliers de dollars (un cadeau de Brigid et Rod Janssen) pour sauver ce seul et unique volume. Des centaines d’autres livres d’égale importance mais portant moins d’affection devaient être jetés sur le tas de déchets.

Au-delà de l'incendie

Nous avions extrait les restes de l’entrepôt de Lebrun après avoir reçu une facture pour cette garde et un devis pour la restauration des meubles, qui représentait approximativement trois fois le montant estimé par un vrai expert que nous avions engagé plus tard.

 

Les déceptions s’empilaient au cours de ces journées affreuses. J’avais pris la précaution de faire deux copies d’un inventaire détaillé filmé de la Grange. Bien sûr, celle dans la Grange fût détruite, mais la seconde copie était bien gardée en sécurité à Ottawa. Hélas, quand on l’a regardé, on a vite découvert que l’inventaire avait été supprimé par l’enregistrement d’un sitcom. A part l’embauche de Lebrun, nous respections beaucoup Chubb Assurance pour leur rapidité et leur objectivité. À cause de la valeur élevée de notre police d’assurance, une équipe de chez Chubb avaient visité la Grange quelques mois auparavant pour s’assurer que la couverture et les valeurs estimées des biens étaient conformes à la politique de la compagnie d’assurances. Malheureusement, ils ont sous-estimé le coût de remplacement de la structure de la maison ainsi que son contenu. D’un autre côté, malgré le fait que j’insistais qu’il y avait encore des objets pouvant être sauvés, ils ont tenu à payer immédiatement, considérant que nous faisions face une perte totale. Le cas échéant, puisque les objets portant la plus grande valeur étaient irremplaçables, le remboursement de l’assureur qui devait indemniser le bâtiment et les contenus était suffisant uniquement pour restaurer le bâtiment. Heureusement, ce montant a financé une grande majorité du coût de la reconstruction.

 

Mais tout cela était encore loin dans le futur. Dans l’immédiat, il y avait de grands doutes quant à savoir si nous devions reconstruire la Grange ou pas. Néanmoins, j’ai vite demandé à Barry Padolsky – ami et architecte reconnu en restauration de bâtiment et respecté partout dans le monde – de nous préparer les éléments pour un appel d’offres de façon à ce que l’on puisse évaluer la situation financière.

La plupart des plans originaux du défunt Napier Simpson de Thornhill étaient encore disponibles, mais l’équipe de planificateurs a presque recommencé à zéro, proposant de nombreuses améliorations à l’intérieur.

 

Pendant ce temps, des condoléances à faire briser le coeur nous inondèrent – des journaux aux discrets petits messages personnels qui montraient l’importance des visites à la Grange pour leurs auteurs. Explicitement ou implicitement, tous demandèrent que la Grange soit reconstruite. La famille était incroyable. Ressentant l’horrible tourment que ça allait me poser de reconstituer des années de travail, personne dans la famille ne m’a obligé à entreprendre cette mission, mais c’était bien sûr évident quels étaient leurs souhaits. Seul, la plupart de nos possessions détruites, il n’y avait aucune raison de vivre dans un si grande maison. Si la décision avait été de ne pas reconstruire la Grange, j’avais fermement décidé de quitter Cantley, car je ne saurais jamais supporter les fantômes du passé perdu.

 

Le 1er Juillet avait toujours été la grande fête à la Grange, le jour que nous célébrions joyeusement la Fête du Dominion parmi une centaine d’amis. Pas d’invitations cette année. Mais quelque chose d’encore plus mémorable et séminal s’est produit.

 

Pendant la matinée, Scott et moi étions dans mon bureau à Buck House en train de travailler à la comptabilité des journaux. Soudain, il exigea qu’on fasse un petit tour pour s’éclaircir l’esprit. A contrecoeur, j’ai enfin accepté; et encore plus à contrecoeur, nous sommes descendus vers la Grange en ruines, où des grosses machines rompaient le silence de mort. Mais dès que nous avions quitté le chemin, c’est alors que je vis des dizaines de petits drapeaux canadiens qui s’étalaient devant moi sur le sentier et le gazon, comme lors d’occasions plus joyeuses. Il y avait une foule d’environ 40 amis qui étaient réunis parmi les poutres effondrées, devant le squelette noirci. Brian Rolfes, alors habitant de Gatehouse, mena une cérémonie. À la suite des négociations avec le cabinet du Gouverneur Général et grâce aux contributions généreuses d’amis, ils m’accordèrent une nouvelle médaille de l’Ordre du Canada pour remplacer celle qui avait été détruite dans l’incendie. Nous avons levé un verre de champagne, et nous nous sommes pratiquement empoisonnés un buvant de la bière qui avait été ravagée par le feu. Je n’étais pas le seul à avoir une petite larme à l’œil.

 

Le pire des jours était le 31 juillet, le jour que nous regardions les réponses à l’appel d’offres. L’entrepreneur du village qui s’est engagé à faire le nettoyage du site a même refusé de faire une offre pour un si gros projet (pourtant la Grange à l’origine avait été construite par un groupe d’étudiants non qualifiés et moi-même!). Dans les offres, bien sûr, n’étaient pas inclus le terrain, les installations septiques, les fondations, le plancher du sous-sol ou des nouveaux murs. La proposition minimale était d’environ $575,000 et le maximum d’à peu près $750,000: tout ça bien, bien supérieure à l’indemnisation qu’on a reçu.

 

Puis quelque chose d’étrange s’est produit. Quelques semaines auparavant, Scott m’avait demandé à la dernière minute de le remplacer au dîner annuel du club Civitan d’Aylmer car il devait partir chez lui dans les Cantons de l’Est pour régler un problème personnel. Je n’étais pas assis à la même table que mon invitée, Carol Anne Gingras, et il se trouve que son voisin à sa table était Murray Milne. Bizarrement ils se sont mis à parler de maisons en rondins, et Murray mentionna le nom d’une compagnie très compétente dans le domaine de la construction et de la restauration. Carol m’a raconté leur conversation par la suite. Moi qui pensais que je connaisse tous ceux du coin qui avaient une passion pour les maisons en rondins, je n’avais jamais entendu parler de cette compagnie – dont l’un des partenaires habitait Cantley! Malgré mon désespoir concernant la reconstruction, à cause de la réponse décevante à l’appel d’offres, j’étais prêt à tout faire pour y arriver et donc j’essaya de trouver ces partenaires. Ils étaient bien sûr au courant des mauvaise nouvelles de la Grange, et l’un d’eux avait même visité la Grange il y a bien longtemps. Cette ficelle de coïncidences peu probable, s’est transformée en une chaîne d’événements qui allait sauver la Grange.

Les partenaires étaient John Jefferson de Cantley et Brad Dagg de la région de Poltimore. Lorsque leur partenariat s’est dissous cet automne-là, Brad Dagg et son équipe effectuèrent la plupart de la restauration. Ils étaient non seulement très compétents, grands experts, travailleurs sérieux et consciencieux, mais ils avaient aussi beaucoup d’imagination. Et ils étaient flexibles. Ils possédaient de magnifiques matériaux anciens, et pas seulement plus authentiques mais aussi moins chers que ceux à la portée de tout autre entrepreneur normal. Le contrat était divisé en plusieurs parties. L’équipe était immédiatement chargée de renfermer le bâtiment entier; de restaurer le rez-de-chaussée et d’établir la charpente de l’étage supérieure. J’aurais ensuite à compléter l’étage supérieur, faire le sous-sol en entier et le réaménagement considérable qui était nécessaire. Nous avions remis les décisions concernant la Grande Salle, pour d’abord pouvoir évaluer notre progrès. Ensuite, ils entreprenèrent la restauration de l’intérieur. Pendant cette phase, j’étais impatient et j’avais l’impression que l’on mettais des années pour démarrer le projet (les premiers coups de marteaux résonnèrent fin août) et ensuite à l’achever. Quand j’essayais de travailler dans mon bureau à Buck House, je m’interrompais toutes les demi-heures pour courir dehors et regarder les flocons d’une neige de novembre qui s’entassaient et pour compter les bardeaux qui restaient à placer sur le toit de la Grande Salle. Mais enfin, tout était bâti et prêt à chauffer dès le début de décembre – quel exploit!

 

Dan et moi nous sommes enfin réinstallés à la Grange la semaine avant Noël, mais elle est restée un chantier bruyant et animé pendant le reste de l’hiver. Le travail administratif et les dates d’échéances ne faisaient pas exactement partis des meilleurs des talents de Brad, et la liste des tâches a diminué petit à petit au cours de l’été et de l’automne. Mais le 1er Juillet nous avons enfin pu applaudir la résurrection de la Grange.

 

La nouvelle Grange a intégré beaucoup d’améliorations. Je n’étais pas d’accord avec certains matraquages sur lesquels l’ingénieur mécanique avec qui on consultait insistait, mais on ne peux pas toujours tout gagner. Une grande amélioration était la création d’un bien plus grand sous-sol après avoir fait exploser 50 mètres cubiques de granite, —j’ai insisté malgré une opposition quasi-totale. La nouvelle Grange est aujourd’hui une construction encore plus magnifique que la Grange originelle, grâce aux efforts de Barry Padolsky et de son collègue architecte Ricardo Hendi.

 

Note: Barry Padolsky est toujours un ami très cher de la Grange. Il était membre du conseil d'administration, et ensuite conseiller auprès de la Grange de la Gatineau.

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